La famille parfaite
Dans la famille parfaite, je voudrais le père.
Ted a toujours été le premier. A l’école, il courrait le plus vite, remportait tous les jeux et les billes de ses copains. Au lycée, il faisait chavirer les cœurs des starlettes du secondaire. A la fac, il s’est taillé une place de choix dans les livres des records aussi bien pour ses performances dans les bassins que pour ses exploits scolaires. C’est à cette période qu’il rencontra Helen.
Il navigua ensuite d’entreprises prestigieuses en entreprises prestigieuses et avec ses relations haut-placées, parvint à échapper à l’enfer du Vietnam. A la fin de la guerre, il est engagé par le leader mondial des prothèses et retourne au Vietnam où il accomplit des miracles pour sa société.
Ses enfants naissent à la fin des années 70 et si on le voit de temps à autre sur les terrains de baseball, il passe la majeure partie de la décennie suivante en voyages d’affaires, ne leur accordant qu’une ou deux fois par an une journée complète. Sa vie conjugale se délite, laissant place à une multitude d’aventures sans lendemain.
En 1999, à la mort de sa femme, il vend la maison familiale et s’installe en plein cœur de la Grosse Pomme pour être au plus prêt de ses affaires et se prend de plein fouet la crise de la quarantaine avec un peu de retard. Il s’achète une voiture de sport qui le conduira tout droit dans un poteau télégraphique, le laissant entre vie et mort plusieurs jours avant que les secours le sauvent.
Il sera amputé de ses deux jambes et vit désormais retranché dans sa suite privée.
12 septembre 2009